Agenda de la Nouvelle-Aquitaine à Paris

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Jacques Expert. Les doux souvenirs de l'enfance

Jacques Expert, photo Astrid di Crollalanza
Jacques Expert
© Astrid di Crollalanza

Il a parcouru la planète, couvert toutes les guerres, tous les conflits mondiaux et faits-divers d’ici ou d’ailleurs, c’est dans son Aquitaine natale qu’il se ressource et puise son inspiration pour ses romans policiers. Grand reporter, Jacques Expert était de la race  des baroudeurs, écrivain, il voyage désormais avec son imagination.

Curieux parcours que celui qui l’a mené de Bordeaux à la Martinique comme  chroniqueur sportif pour Radio Caraïbes International. « Après mes classes à Grand Lebrun, j’ai fait Sup de Co un peu par jeu. Je n’avais pas d’idée vraiment précise de ce que je voudrais faire de ma vie, j’avais juste la certitude qu’elle devrait se passer ailleurs ! Quand l’opportunité de partir aux Antilles s’est présentée, je ne l’ai pas laissé passer. J’avais 21 ans et j’y suis resté quatre années à commenter les matchs de foot et à profiter du soleil ! » Il faut bien revenir un jour. Le voici à Radio 7, ancienne station thématique du groupe Radio France. Il est vite repéré et engagé à France Inter. « Mon premier reportage est sur l’affaire du petit Grégory. On est le 16 octobre 1984, on vient de découvrir le corps d’un enfant jeté dans la Vologne. Le correspondant régional n’a pas envie de se déplacer pour ce qu’il assurait être une petite affaire locale. J’y suis parti sans hésitation et je suis resté plus d’un mois à enquêter sans revenir à Paris. »

Le fils de Jean, garagiste au Bouscat, et de Denise, vendeuse au Printemps à Bordeaux, a trouvé sa voie. Raconter les événements et les décrypter pour les auditeurs. Il y aura le procès Klaus Barbie, la guerre au Liban, l’éclatement de l’ex Yougoslavie et bien d’autres points chauds qu’il suit le micro tendu. Jusqu’à ce qu’il prenne une autre orientation. Son mariage avec Valérie Expert, devenue une figure de l’audiovisuel, et la naissance de leurs deux filles, ne sont peut-être pas étrangers à ce changement de cap professionnel. Il est nommé directeur des magazines de M6, puis des programmes de Paris Première, et enfin directeur des programmes de RTL. Une fin de carrière qui lui permet de se consacrer totalement à sa passion pour l’écriture. Jacques Expert avait déjà signé de nombreux documents et romans policiers. « La femme du monstre », « Ce soir je vais tuer l’assassin de mon fils », « Tu me plais » … on en compte treize aujourd’hui, dont quatre ont été adaptés au petit écran où, tel Alfred Hitchcock il s’amuse à faire une discrète apparition.

« Le grand test » (Calmann-Levy) (1) est pour l’instant le dernier de la liste. Toutes ses intrigues ont un point commun, soit elles se déroulent en Nouvelle-Aquitaine, soit un de ses héros porte le nom d’un ami d’enfance. « Mes romans font toujours référence à mes propres origines. J’y mets mes copains de Grand Lebrun ou de Sup de Co, Régis Delpil qui dirige la cave de la Cité du vin, Philippe Marçais, Philippe Lassus, Bernard Dupouy… c’est devenu un jeu et ils me disent : tu ne m’oublies pas dans ton prochain polar. Qu’importe pour eux la noirceur de l’histoire ! » 

L’ancien fait-diversier assure qu’il n’y a pas de hasard dans la vie. Comme Paul Eluard, il pourrait préciser qu’il n’y a que des rencontres. Et toutes les siennes comptent autant de monstres que de gens exceptionnels. « J’ai été témoin d’histoires humaines qui dépassent l’entendement, je sais que nul n’est ni vraiment parfait ni fondamentalement mauvais. »

Vieux Boucau © OT Landes Atlantique Sud
Vieux Boucau © OT Landes Atlantique Sud - Gilles Poey

Il a de doux souvenirs d’enfance pour oublier les violences du monde. « Ne nous quittons pas », une de ses nouvelles pour l’anthologie « Enfant, je me souviens » au profit de l’Unicef, est devenue un roman (Albin Michel) qui raconte ses vacances au Vieux-Boucau avec sa sœur Martine. « C’était à l’époque un petit village familial, pas une usine à touristes. Nos parents avaient divorcé, nous passions un mois d’été chez notre père qui fermait son garage pour être maître-nageur. Une année, perché sur sa chaise haute face à l’immensité de l’océan, il a vu arriver sur la plage Jacques Brel et ses trois filles. Ils sont devenus copains, ils partaient tous les deux se balader joyeusement dans sa Ford Mustang et allaient mater les naturistes ! Jusqu’à ce qu’un magazine montre Jacques Brel embarquant dans un avion privé pour Beyrouth. Mon père a découvert que son Jacques Brel n’était pas le vrai ! »

Les souvenirs de Jacques Expert ont le charme désuet des films de Pascal Thomas et Michel Lang, quand les ados apprenaient la vie en se riant des adultes. « Je garde un attachement très affectif pour cette période. Je suis revenu tout récemment à Audenge où mes grands-parents maternels avaient leur maison. J’ai frappé à la porte de la Villa Chardon, on m’a laissé entrer et ça m’a fait un choc, tout m’a paru si minuscule. »

Lorsqu’il vient voir sa sœur institutrice à Talence, Jacques Expert emprunte avec le même amusement nostalgique la rue Henri Expert. « Mon aïeul était architecte, on lui doit notamment des villas au Pyla, à Arcachon, le casino de Dax et les fontaines du Trocadéro à Paris. Comme il avait offert des terrains à la ville de Bordeaux, celle-ci a tenu à lui témoigner sa reconnaissance ! » Quelle que soit la distance, le lien avec ses origines ne peut ainsi être rompu. 

 

LIRE SON PORTRAIT EN PDF - Recueilli par Régine Magné

(1) Jacques Expert signera son dernier livre mercredi 15 novembre à 17h30 à l’Espace Culturel de Saint-Médard-en-Jalles (33). Suivra un débat avec l’auteur à 19H. Le lendemain, jeudi 16 novembre, il sera à 19h à la Librairie Martin-Delbert à Agen (47).