Agenda de la Nouvelle-Aquitaine à Paris
< Retour à l'agendaPascaline Lepeltier, Convertie par un Yquem 1937
Rien ne destinait Pascaline Lepeltier à devenir la Meilleure sommelière de France et à postuler pour le titre mondial 2023. Elle a dû se contenter de la quatrième place alors qu’elle avait toutes les qualités pour être sur la première marche du podium, elle a digéré sa déception et un échec relatif qu’elle attribue à la mauvaise interprétation d’une consigne lors d’un atelier. « Je croyais que l’épreuve portait sur la réalisation d’un cocktail alors qu’il suffisait de répondre aux questions que je connaissais par coeur ! »
Pascaline est une battante. Volontaire, passionnée et si sa tête est joliment faite, elle est aussi remarquablement bien remplie ! Après une maîtrise de philosophie consacrée au langage chez Bergson, cette native de La Rochelle se destinait à l’enseignement. Brillante, elle brûle les étapes et à 22 ans le surmenage intellectuel la conduit au bord du burn-out. « J’ai eu le syndrome de l’imposteur, j’ai été effrayée d’avoir à former des élèves alors que moi-même je n’avais pas encore vécu. »
La crise d’angoisse dure six mois. Elle range ses livres pour reposer son cerveau en ébullition et se lance dans la vie active. « J’ai fait des stages partout où on voulait bien de moi et un caviste m’a ouvert une nouvelle voie. Le vin m’a sauvée ! J’ai adoré cet univers et j’ai choisi de travailler dans la restauration. » Elle prépare avec succès un DESS et un Master en management international de la restauration. Avec des débuts pas faciles car on se méfie d’une surdiplômée. Le Vol au Vent, traiteur haut de gamme rochelais, lui fait découvrir un monde inconnu. Et c’est pour elle un retour aux sources familiales, son grand-père maternel, médecin à Sainte-Soulle, a voulu que sa mère accouche à La Rochelle !
« J’ai grandi entre Nantes et Angers, mais je passais toutes mes vacances chez mes grands-parents. Je garde des souvenirs émerveillés de mes baignades à Châtelaillon et de mon initiation au surf à la pointe de l’Ile de Ré. »
Elle débute chez le traiteur parisien Potel & Chabot qui préférait voir les filles en salle que dans la cave. Elle ajoute à ses bagages une mention complémentaire en sommellerie grâce au caviste Patrick Rigourd qui deviendra son mentor. Tout s’enchaîne rapidement. La voici à L’Auberge Bretonne où le chef étoilé Jacques Thorel lui permet de commencer sa carrière de sommelière. « Il avait tous les plus grands crus de Bordeaux, de Bourgogne…Il m’a emmenée une fois à Château Ausone où j’ai eu la chance d’y déguster ce vin de rêve. » Avant le Saint-Emilion, c’est un Yquem 1937 qui avait conquis le coeur de la douce angevine et sans doute décidé de sa reconversion.
Château Yquem, Sauternes. Vignoble de Bordeaux, Gironde © BROCHARD CRTNA
Embauchée en 2007 par le groupe belge Rouge Tomate, Pascaline poursuit son apprentissage au Georges V Four Seasons à Paris auprès d’Eric Beaumard, meilleur sommelier d’Europe et vice meilleur sommelier du monde. Les concours s’enchaînent et les titres avec. Un beau palmarès dans un métier où les femmes font exception. Elle est trois fois finaliste du Meilleur sommelier de France (2008, 2010, 2012) qu’elle remporte en 2018, année où elle obtient également le titre de Meilleur Ouvrier de France classe sommellerie.
Parallèlement, Pascaline Lepeltier est promue directrice des boissons du groupe belge à New York où en quelques mois le magazine Wine & Spirits la classe parmi les cinq meilleurs sommeliers américains. Un bonheur n’arrivant jamais seul, elle rencontre celle qui deviendra son épouse et est ainsi restée vivre et travailler aux Etats-Unis où elle enseigne dans différentes institutions. Elle a créé chëpika avec le viticulteur Nathan Kendall, un projet viticole qui promeut les vins issus d’agriculture biologique. Son travail sur les vins biodynamiques est rapidement reconnu. Pascaline est devenue « l’évangéliste » des vins nature ! Son restaurant Chambers (anciennement Racines NY) sur Chambers Street dans le fameux quartier TriBeCa est connu pour ses vins qui respectent le terroir et l’environnement humain. « Chez nous il s’agit moins d’avoir des verticales de grands crus que de mettre en avant des vigneronnes et des vignerons qui façonnent le vin de demain ou ceux qui ont écrit l’histoire du vin… » dit-elle. La France et la Nouvelle-Aquitaine sont peut-être loin des yeux mais toujours présentes dans son coeur. Elle est attentive à tous les efforts de ses viticulteurs pour produire un vin bio de qualité. « J’aurais tellement aimé gagner le titre mondial pour représenter mon pays et ma région. » Partie remise ? Pascaline Lepeltier a prouvé qu’il n’y avait rien d’impossible pour elle. Elle continue de creuser son sillon avec philosophie. Et gourmandise.
Lire son portrait - Recueilli par Régine Magné