Agenda de la Nouvelle-Aquitaine à Paris
< Retour à l'agendaAnnie Grégorio, Le panache des Baladins
« Je suis bien contente d’être née et d’avoir grandi à Nérac, non seulement, c’est une petite ville délicieuse, mais en plus tout l’environnement a comblé mon tempérament un peu rebelle. Je me sens issue de ce terroir, j’aime l’authenticité des paysages et des paysans du Lot-et-Garonne ».
Fille d’un Espagnol qui fuyait la dictature franquiste, petite fille d’Italiens qui eux-mêmes avaient déserté le fascisme mussolinien, Annie Grégorio ne peut renier ses racines liées au hasard des tumultes de l’Europe d’avant-guerre. Mais elle se revendique 100% Gasconne. « A la maison on ne parlait que le français et l’ambition de ma famille était de bien s’intégrer dans cette terre d’accueil. ». Il suffit de la regarder, de voir son sourire jovial, ses yeux qui pétillent de malice, d’entendre sa voix atteinte du « syndrome de l’accent du Sud-Ouest » (1) pour comprendre que ses parents ont accompli leur mission. Elle est parfaitement assimilée ! Un père ouvrier d’usine, une maman au foyer pour élever ses trois enfants, Marie-José dite Mijo, Annie et Fabrice. On ne rigolait pas tous les jours dans leur HLM. Les enfants devaient filer droit mais ne manquaient ni d’amour ni de l’essentiel. Le superflu serait pour plus tard. Et Annie avait assez de rêves dans sa tête pour croire en des lendemains qui enchantent.
Elle était comédienne sans le savoir. Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Elle pensait devenir coiffeuse, puis la fac de lettres de Bordeaux l’a préparée au professorat d’espagnol. « Un copain de Nérac suivait des cours de théâtre à la Maison des jeunes et de la culture, mon père m’a autorisée à l’y accompagner sur sa mobylette… » Et là, miracle, il y avait Roger Louret qui enseignait. Ainsi est née une vocation. Et une longue amitié.
« C’est une personnalité unique » reconnait le fondateur des Baladins en Agenais. Roger Louret a un flair infaillible. Muriel Robin, Nicolas Marié, Nicolas Briançon, Michel Fau, devenus têtes d’affiche à Paris, ont été de l’aventure avec Annie.
Bien sûr, tout ne s’est pas fait pour elle en un clin d’œil. Annie Grégorio est donc partie en fac où elle s’ennuyait prodigieusement et lorsqu’elle rentrait chez elle le week-end, elle filait à Monclar-en-Agenais retrouver Les Baladins. « Je rigolais tout le temps et j’avais terriblement envie de participer. Roger m’a glissé à l’oreille que j’étais vraiment faite pour le théâtre. »
Elle s’inscrit au cours Florent à Paris. « Mais ça allait mal dans ma tête, je suis revenue à Nérac, et comme il fallait quand même un peu bosser, ma mère m’a fait entrer à la quincaillerie où elle faisait des ménages C’est là que Roger Louret est venu la chercher et l’a fait jouer dans une pièce qu’il a écrite pour elle : J’ai 20 ans…je t’emmerde.
Bye bye le salon de coiffure où elle allait presque se résigner à faire son apprentissage. « Mais j’ai gardé plein d’amis coiffeurs et j’adore regarder les coupes de cheveux… Il m’arrive même d’arrêter des femmes dans la rue pour les complimenter pour leur coiffure ! ». Annie n’a pas une tête à chignon ou à longue cascade bouclée. Elle a adopté le court avec juste une frange qu’elle s’amuse à déplacer selon son humeur. Elle peut entrer ainsi dans tous les personnages qu’elle incarne. Car elle a fait sa route depuis les Baladins.
Forte de son expérience dans la troupe, elle retourne à Paris où elle se fait remarquer au Théâtre de Bouvard. Elle enchaîne les rôles. Jean-Michel Ribes est son nouveau porte-bonheur. Grâce à lui, elle remporte le Molière du meilleur second rôle dans Théâtre sans animaux. Son physique généreux et sa personnalité haute en couleur révélés dans le film Bienvenu au gîte en font une actrice parmi les plus populaires. Au sens noble du terme. Elle apparaît dans une trentaine de pièces qui lui valent quatre nominations aux Molières, joue dans plus d’une centaine de films et autant de téléfilms où elle devient avec la même aisance journaliste, domestique, baby-sitter, infirmière, postière, cuisinière, commissaire, employée de maison, prof, boulangère... Elle impose sa prestance et sa bonne ou mauvaise humeur, selon le script. Marjolaine, son personnage truculent dans Crimes et botanique l’a mise en joie. « J’adorais le couple de paysagistes-enquêtrices que je formais avec Carole Richer. Dommage que la série se soit arrêtée ». Comme elle regrette la fin de Plus belle la vie où elle jouait en « guest star » depuis 2018.
Tout cela la fait voyager. Mais dès qu’elle le peut, elle revient à Monclar pour l’ami Louret qui va fêter l’année prochaine les 50 ans de la compagnie désormais entre les mains de Gabriel Sarrou-Vergnac.
« Y a pas photo, ici, je me sens chez moi. Même si ça fait plus de 40 ans que je suis partie, je suis restée une provinciale ».
Elle a gardé l’esprit des Baladins. L’envie de rire, travailler en équipe, bien manger ! Et cerise sur le gâteau de cette gourmande, il y a la Baïse qu’elle aime regarder couler sous le vieux pont de Nérac et arpenter les routes pour admirer les nombreux châteaux des alentours. « C’est ici que s’est écrite une grande partie de l’histoire de France » dit-elle avec fierté.
Rivière Baïse à Nérac © Office de Tourisme de l'Albret
Recueilli par Régine Magné
(1) Pour mieux saisir cet humour, voir sur YouTube les vidéos sur L’accent du Sud-Ouest !