« La Rochelle est dans mon ADN, la Creuse, je l’ai choisie ! »

Scénariste, réalisateur, producteur, écrivain, Luc Béraud fait un arrêt sur l’image. Les hasards de l’amitié l’ont conduit en Creuse et il n’a pas résisté au charme discret de son environnement.

« Nathalie Baye et Philippe Léotard invitaient tous les ans Claude Miller et sa femme, Annie, à passer les fêtes de Noël dans leur maison de Hussard. J’ai suivi le mouvement et j’ai acheté à mon tour une maison à 10 km de là lors d’une vente à la bougie à Guéret ! » Il a ainsi pris racine dans une petite communauté d’artistes dont certains comme Nathalie (1) sont partis presque à regret, d’autres sont restés comme Anny Duperey, Sylvie Granotier, Bruno Chiche, Véronique Aubouy et bien sûr les Miller, Claude qui a tourné autour de Vallière une partie de son film Un secret, Annie qui organise chaque automne à Bourganeuf le festival Ciné des villes - Ciné des champs.

Luc Béraud est né à La Rochelle où sa famille est implantée depuis des siècles. Son aïeul François Béraud était un correspondant du philosophe Erasme, sans remonter aussi loin, on trouve dans sa parentèle des peintres, des médecins - il est né à la clinique du Mail alors dirigée par son oncle - et des banquiers. Lui s’est orienté très jeune vers le cinéma. « A 16 ans, avec la caméra empruntée à un oncle, j’ai tourné un western à la Ville en bois dans ce qui est devenu le quartier des Minimes ! » Il avoue que cette passion est née d’une frustration. Son cousin germain Antoine était confié à la garde de sa grand-mère à Saint-Jean- d’Angely et elle l’envoyait au cinéma. « Il me racontait les films qu’il voyait et ça me faisait rêver. J’imaginais les images des scènes qu’il me détaillait. »

Grâce à la caméra 8 mm d’un copain, il fait un documentaire sur le tournage des Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy. Au fil des souvenirs de jeunesse, il évoque son professeur Jean-Louis Rieupeyrout qui a écrit sans doute le premier livre sur l’histoire du Far West et tenait le ciné-club La lanterne magique. « Je ne pensais qu’au cinéma et mes études s’en sont ressenties. Pour me dégoûter du métier, Denys de La Patellière qui était un ami de la famille m’a pris pendant les vacances de Pâques comme stagiaire sur le film qu’il tournait avec Jean Gabin… » Peine perdue.

Luc Béraud a choisi sa voie et à 25 ans, il réalise son premier film professionnel, un court métrage La poule avec Michael Lonsdale. Suivront des longs métrages avec Bernadette Lafont, Jean-François Stevenin, Jean Poiret, Jacques Villeret. Il est l’assistant de Marguerite Duras, Alain Robe-Grillet, Jacques Rivette, Patrice Leconte qui épousera sa sœur Agnès, du Bordelais Jean Eustache sur qui il écrira plus tard Au travail avec Eustache (Actes-Sud, prix CNC 2017 du livre cinéma). Il s’amuse aussi à faire l’acteur, un inspecteur de police dans Mortelle randonnée de Claude Miller, ou un surveillant de lycée dans Liberty belle de Pascal Kané. Ajoutons la réalisation d’une vingtaine de films pour la télévision.

C’est dans l’écriture qu’il gagne ses lettres de noblesse. Comme scénariste notamment de cinq films de Claude Miller, La meilleure façon de marcher, qui lui vaut une nomination aux Césars, Dites-lui que je l’aime, L’effrontée, La petite voleuse et L’accompagnatrice, ou encore En toute innocence d’Alain Jessua, tourné sur les rives de la Garonne, et tout récemment Je ne rêve que de vous de Laurent Heynemann sur le dernier grand amour de Léon Blum.

On comprend mieux pourquoi il a choisi la Creuse aux paysages si cinématographiques.

« Quand mes fils ont grandi j’ai fait construire une piscine car j’avais envie de les garder près de moi pour continuer nos balades dans la campagne !»

 

Village d'Aubusson dans la Creuse © S. Pailloncy CRTNA ; Crozant Canoe ©J.Damase Creuse Tourisme

«  Lorsque des amis viennent me voir, je leur fais découvrir la Rigole du diable et les berges du Taurion, faire du canoë sur la Creuse, se baigner dans les nombreux lacs de la région, découvrir la ville de Chambon sur Vouèze où j’ai tourné un film, et bien sûr, toutes les forêts comme celle de Chabrières où il y a un élevage de loups.»

  

Les Trois Lacs ©Laetis CRTNA ; Rigole du diable © Creuse Tourisme ; Aubusson © M.Turin CRTNA 

«  Quand je quitte Paris, ce n’est pas pour venir ici faire des kilomètres en voiture, tout doit être à portée de marche ou de vélo ! »

Il a passé le premier confinement (2) dans sa maison creusoise à écrire le scénario du film qu’il a finalement tourné en juillet dernier avec un téléphone portable, cinq techniciens, neuf comédiens professionnels et une jeune inconnue, Léna Martin, son héroïne de Mauvaise graine. C’est l’histoire d’une gamine, bonne élève dans une famille de branques, qui veut devenir écrivaine. « On a été aidés par les Ateliers de Lavaud Soubranne, car le tournage s’est transformé en atelier pédagogique. On a planté les décors à Bonnat, Guéret, Aubusson, Vallière, Felletin. Que du bonheur ! »

Luc Béraud tire une certaine fierté de cette entreprise et attend que le film sorte en salle. Histoire de montrer que la Creuse est aussi une terre originale de création.

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 Recueilli par Régine Magné

(1) Retrouvez le portrait de Nathalie Baye dans le recueil des interviews #CoeurNouvelleAquitaine.

(2) Les cinéphiles se régaleront avec les trois court-métrages qu’il a réalisés à cette époque où il met en scène, en image et en récit ses émois de confiné. Visibles sur vimeo et sur l’application Filmo-Osez le cinéma