Agenda de la Nouvelle-Aquitaine à Paris

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Régine Hatchondo - Souvenirs à livre ouvert

D’abord, on entend son rire qui répond en écho à celui de sa proche collaboratrice, puis on voit son sourire enjoué lorsqu’elle vient à notre rencontre, enfin, c’est avec son accent qui n’a rien perdu de ses racines basques qu’elle nous souhaite la bienvenue. Le cadre un peu froid du CNL (Centre national du livre) dont elle a pris la présidence devient soudainement plus chaleureux. Dans l’immense bureau qui lui est affecté, Régine Hatchondo fait petit à petit un nid à son image. Elle n’a pas encore eu le temps de mettre sur les étagères tous les ouvrages qui lui tiennent à cœur, mais posée par terre « parce que les moulures empêchent son accrochage au mur ! » il y a l’immense affiche du film « Les 400 coups » qui l’a suivie dans tous ses postes. « C’est François Truffaut qui m’a ouvert une fenêtre sur le cinéma et j’ai toujours gardé un attachement particulier pour Jean-Pierre Léaud » avoue-t-elle avec un sourire nostalgique.

Le cinéma, le théâtre, la mode, la télévision, et aujourd’hui le livre, tout son parcours professionnel a été sous le signe de la culture. Elle n’y était pas forcément destinée par ses études à l’European Business School (EBS). Une année comme contrôleur de gestion chez Tréfilunion dans le groupe Usinor-Sacilor et elle renoue avec ses désirs d’univers créatifs. Femme de tête, Régine Hatchondo préfère mettre son intelligence au service de l’art sous toutes ses formes. En s’appuyant sur une équipe solide. Comme au rugby où les hommes de sa famille se sont illustrés.« L’art nous aide à sortir de nous-mêmes ». Fille et nièce de deux internationaux, Jean et André Hatchondo, elle sait que le collectif est le seul moyen de marquer des points et de transformer les essais.

« Je suis née à Tours, j’ai grandi à Cahors, au gré des affectations de mon père qui travaillait à la SNCF, mais c’est à Hendaye, le fief familial, que j’ai forgé mon caractère dès l’enfance. J’y allais en vacances, plus tard, j’y suis revenue avec mes enfants, et chaque fois je me disais : pourquoi tu n’y vas pas tous les week-ends ! »

Difficile avec la culture qui lui collait aux basques à Paris !

 

Château d'Abadia, Hendaye Tourisme

Château d’Abadia © Hendaye Tourisme

Sortie de Tréfilunion, elle est recrutée par Christian Lacroix comme chargée de mission au sein de la maison Jean Patou. Elle aime la mode, elle a le goût de l’élégance à la fois stylée et discrète, elle aime encore plus le théâtre et accepte sans hésiter le poste d’administratrice du Théâtre national de Chaillot auprès de Jérôme Savary. Peut-être ses années les plus exaltantes. Dans son bureau, elle garde comme une relique un dessin de l’effervescent metteur en scène trop tôt disparu qui partageait son chagrin du décès de Marlon Brando. Posé tout près, un portrait de sa sœur emportée par un cancer. Et cette pudique expose aussi une photo de son père, ballon ovale à la main, prêt à marquer un essai.

On salue ses qualités de gestionnaire et de manager, on pourrait souligner son sens de l’innovation. Lorsqu’elle est secrétaire générale du Forum des images, cette jeune mère de quatre enfants aujourd’hui âgés de 24 à 30 ans met en place en 1994 un « Baby Ciné » et des ciné-goûters pour les élèves du primaire. « Je suis persuadée qu’en donnant accès à l’art on préserve de la violence ». La démocratisation culturelle devient son combat. Secrétaire générale de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes, elle est sollicitée par Bertrand Delanoë pour créer la mission cinéma à la Mairie de Paris avant de prendre en charge la culture à son cabinet.

Son amour et sa parfaite connaissance du 7eme art l’amènent à la présidence d’UniFrance Films. « J’ai voyagé dans le monde entier pour promouvoir notre cinéma. J’ai adoré ce boulot, les échanges que j’avais avec les comédiens et réalisateurs, mais aussi les distributeurs de films. Il faut se battre quand on sait que 92% des films projetés sur les écrans du monde, à l’exception de l’Inde et de la Chine sont américains ! »

Consciente des enjeux du numérique, elle crée le premier festival de Cinéma en ligne, une sélection de 14 films à découvrir sous-titrés en 10 langues. Qu’est-ce qui fait courir Régine ? Ne pas laisser le temps filer sans l’avoir bien occupé ? Relever des défis ? Bien que jamais encartée au PS elle devient conseillère culture et médias d’Emmanuel Valls à Matignon... puis, vice-présidente de la chaîne Arte. Et en novembre 2020, en pleine troisième vague du Covid, ce qui était un nouveau défi à relever, elle est nommée à la Présidence du CNL. Son visage peu familier du grand public est pourtant incontournable du paysage culturel français. La voici donc en charge du rayonnement et de la diversité de la création littéraire. Avec pour mission de soutenir tous les acteurs de la chaîne du livre. « Je vais devoir reprendre la route ! »

Elle se réjouit de revoir les lieux et amis de Nouvelle-Aquitaine. « Je suis impatiente de revisiter la fameuse librairie Mollat, là en tant que présidente du CNL, de retrouver Olivier Lombardi qui dirige l’Opéra de Bordeaux et que j’avais recruté à Chaillot du temps de Jérôme Savary. J’ai aussi à Bordeaux mon cousin le psychanalyste Didier Laugaa, mon amie, professeur de lettres, Nadine Beuter, enseignante-relais au FRAC Nouvelle-Aquitaine. »

« Mon attachement à cette région n’est pas proportionnel à ma présence et mes enfants se plaignent qu’on n’y aille pas assez souvent » regrette Régine Hatchondo. Elle leur a fait découvrir la beauté des paysages de la Corrèze, les plages du Cap Ferret, « les marches sublimes dans la montagne autour de Saint-Etienne-de-Baïgorry », elle leur a raconté les fêtes de son enfance, déguisée en petite basquaise, avec le foulard rouge autour du cou et ils ont savouré les chipirons à l’encre dont la régalait « amatchi » (sa grand-mère).

« Le Pays Basque coule dans mes veines ! »

Ce n’est pas un hasard si un de mes meilleurs amis à l’EBS était et est resté Benjamin d’Arcangues*. « Cette région m’a donné le goût de la fête, de la solidarité et de la gourmandise » dit-elle dans un nouvel éclat de rire.

*NDLR : Benjamin d’Arcangues est né dans le Pays-Basque, il dirige de grandes entreprises ainsi que la société familiale du Golf d’Arcangues (64).

Recueilli par Régine Magné

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