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Marcel Amont, La ligne verte des Pyrénées

Il se plait à dire que s’il a les pieds à Paris, plus précisément sur la colline de Saint Cloud où il réside et d’où son regard domine la capitale, il garde son cœur dans la vallée d’Aspe. Marcel Amont, 92 ans au prochain printemps, reste à jamais le fils unique de Modeste Miramon et de Romélie Lamazou. Des parents tant aimés, paysans de la montagne qui s’étaient résolus à quitter leur ferme pour donner à leur enfant la chance d’une vie moins rude. Soyons précis, le petit Marcel Jean-Pierre Balthazar n’était pas dans leur bagage, il est né un peu plus tard à Bordeaux un 1er avril.

« Mes parents avaient emporté leur païs à la semelle de leurs souliers ». Le père qui avait fait la guerre de 14 est embauché à la SNCF comme manœuvre, la mère est aide-soignante à l’hôpital Saint André. « Ils ne parlaient que le patois béarnais entre eux, mais toujours le français avec moi. C’étaient deux bons élèves de l’école de la République incapables de faire une faute d’orthographe ou de participe. Ils me rêvaient instituteur ou professeur d’éducation physique et je ne sais pas quelle mouche m’a piqué, au lieu d’aller en fac je me suis inscrit au Conservatoire d’art dramatique où j’ai joué les valets de Molière ! » Modeste et Romélie n’ont pas la vie facile, mais ils aiment chanter. « C’était leur seule distraction et ils ne s’en privaient pas » se souvient-il. On comprend que Marcel ait eu lui aussi autant de plaisir à chanter et pourquoi il n’a jamais cessé de se produire sur scène, fêtant même ses 90 ans à l’Alhambra entouré de ses nombreux amis.

Marcel Amont est l’un des derniers grands représentants du music-hall en France. Sa voix n’a pas faibli, son énergie et son enthousiasme sont intacts. C’est à l’air vivifiant de ses montagnes qu’il doit cette étonnante jeunesse. Le travail à Paris, les vacances dans sa bergerie de Borce à 1200 mètres d’altitude. Son père était né dans le hameau d’Etsaut, sa mère dans celui du village voisin de Borce traversé par le gave d’Aspe et le chemin de Compostelle. « De là, on voit Urdos, le dernier village français avant l’Espagne » s’amuse-t-il.

« Quand j’ai épousé Marlène et que nous avons eu nos enfants, j’ai eu envie d’une maison de campagne. C’était une époque où ça marchait très fort pour moi, j’étais sans arrêt en tournée, j’avais besoin de me poser en famille ! On a cherché à quelques kilomètres de Paris et puis lors d’un séjour en Béarn pour revoir les cousins, Marlène, née Laborde, enfant de Maubourguet par son père, a été éblouie par la vallée d’Aspe ! ». Il a donc racheté la grange à bétail de sa tante, l’a transformée en nid douillet avec vue imprenable sur le sublime panorama du parc national de Pyrénées. « Les murs sont plus épais que la grande muraille de Chine ! ». Il a creusé un bassin à truites, Marlène a planté des fleurs. Son père et sa mère reposent à côté et lui-même a prévu la place où il les rejoindra pour l’éternité. « On ne guérit pas de son enfance. Mes parents m’ont donné tout ce qu’ils n’ont pas eu… » confie-t-il avec émotion.

Cirque de Lescun crédit photo Padura Sergio

Cirque de Lescun dans la Vallée d'Aspe  © Padura Sergio

 

Marcel Amont a connu le succès, la France entière a entonné gaiment son Mexicain basané, Bleu blanc blond l’a rendu célèbre en 1959, des one-man-shows donnés à guichets fermés, des films dont un avec Brigitte Bardot (La mariée est trop belle), des émissions de télévision en France et à l’étranger… ll devient un artiste complet et comblé qui ne laisse pas la gloire lui monter à la tête. Sa gentillesse, son accent et son sourire autant que son talent en ont fait un des chanteurs les plus populaires. Resté présent dans le cœur de ses fans même lorsqu’il s’est fait plus rare sur la scène et sur les ondes. Puis le voici de retour à l’Olympia pour ses 85 ans et une des têtes d’affiche d'Age tendre, la tournée des idoles !

L’infatigable Marcel vient se ressourcer sur ses terres familiales. Il sort en 2018 un nouvel album Par-dessus l’épaule où il reprend ses succès en duo avec notamment Charles Aznavour, Alain Souchon, Maxime Le Forestier et Francis Cabrel, il continue d’écrire ses souvenirs, son dernier ouvrage Les coulisses de ma vie (Ed Flammarion en collaboration avec son fils Mathias) est publié l’an dernier.

Et en février 2020, l’Académie du Béarn l’a intronisé membre d’honneur pour saluer son étonnante carrière et sa contribution à la culture gasconne.

« Quand ma mère est morte, j’ai voulu en savoir plus sur sa langue natale. J’ai alors découvert les poètes béarnais et j’en suis tombé amoureux ! J’ai écrit une anthologie de la chanson gasconne (1) je trouve que la poésie de Jean-Baptiste Bégarie est digne de Rimbaud et les sonnets de Gassion valent bien ceux de Ronsard ! Excusez-moi du peu » dit-il en riant.

Héritier d’une lignée de montagnards, il a besoin de tremper ses mains dans l’eau vive des gaves, d’entendre les cris des aigles et des vautours et d’avoir la ligne verte des Pyrénées dans son horizon. Une jolie conception du bonheur.

Recueilli par Régine Magné

(1) A l’initiative de Jean-François Bège et en collaboration avec le musicologue béarnais JeanJacques Casteret et l’Institut occitan de Billère (Ed Sud-Ouest).

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