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Pierre Bonnier « La Charente au fil du cœur »

« François 1er avait dit que c’était le plus joli fleuve de France et ce n’est pas moi qui vais le contredire ! » Pierre Bonnier se sent parfaitement heureux sur les rives de la Charente, en harmonie avec la nature, la culture, et même le caractère des Charentais, lui qui revendique des origines gasconnes.

 « Lorsque je viens ici, je me sens 100% Charentais, j’aime leur caractère réfléchi, réservé, avec un humour très fin. Mes racines familiales, du côté de ma mère, sont Girondines et je suis tout aussi heureux de me reconnaître dans l’esprit gascon drôle et enjoué, avec ce panache qui n’a pas peur de clamer l’amour de la vie et des défis ! » précise-t-il. 

 La vie de Pierre Bonnier, chef d’entreprise et désormais salué comme un producteur de théâtre avisé, pourrait être un roman. Comme Rastignac, il s’est installé à Paris après des études de droit et de sciences politiques. Mais à la différence du héros balzacien, son ambition ne l’a jamais amené à trahir ses rêves. Il a renoncé à une carrière prometteuse chez Rothschild et à l’Européenne de banque où à 31 ans il venait pourtant d’être nommé administrateur pour créer avec son frère Philippe « Canal 33 » qui a équipé les salles d’attente des cabinets médicaux et des hôpitaux de programmes vidéo intelligents et distractifs.

Le romanesque demeure en filigrane de ses choix. Coup de coeur pour l’Ecluse de Gondeville près de Jarnac qu’il a gardée dans l’héritage familial de son épouse Catherine, fille du chirurgien ORL Jacques Desclaux qui avait fondé la clinique Emile Roux à Angoulême. Cinq enfants plus tard, il a enrichi leur patrimoine du Logis de Belle Rive, toujours en bord de Charente, car la famille s’est agrandie de dix petits-enfants. « Depuis plus de 40 ans, au fil de mes balades à bicyclette, je lorgnais cette maison ! » avoue-t-il avec son sourire gourmand.

Qu’est-ce qui fait courir Pierre ? Disons la passion. Celle de vivre en dépit des drames qui ne l’ont pas épargné. Il a 9 ans lorsque son père meurt accidentellement et que son frère et lui sont mis en pension au collège Saint-Genès à Bordeaux. Décès de sa mère des années plus tard, puis de son meilleur ami le journaliste Patrick Bourrat, puis de son frère pulvérisé par un TGV en gare de Saint-Aigulin (17). Survivre malgré le chagrin. Donc s’investir dans des passions. Le théâtre s’impose à lui. Il a occulté son physique de jeune premier qui aurait pu le propulser sous les projecteurs pour dénicher des jeunes talents. Il reste chef d’entreprise, Canal 33, mais aussi Inlingua (1) fondée par son frère dont il a dû reprendre la direction. Entre deux TGV pour Lille ou Angoulême, Pierre Bonnier galope à Paris d’un théâtre à l’autre. Tout avait commencé lorsqu’il suivait en auditeur libre les cours de Jean-Laurent Cochet. Il y découvre Arnaud Denis, Jacques Mougenot et son frère François. Il produira ensuite le Dacquois Maxime d’Aboville, notamment dans « La conversation » de Jean d’Ormesson, Delphine Depardieu (devenue sa belle-fille), Anne Bouvier et tant d’autres, tous nommés ou consacrés par un Molière. Car l’ami Pierre a du flair. Pour preuve, sa dernière production « Marie des Poules » a valu cette année le Molière de la meilleure comédienne à Béatrice Agenin et celui du meilleur spectacle de théâtre privé.

En 1999, il dépose l’idée des Trois coups de Jarnac, un festival de théâtre sur ses terres charentaises, auquel il apporterait son savoir-faire et ses réseaux parisiens. Il fallait un sacré optimisme pour lancer ce Festival en 2020, l’année du confinement où toutes les scènes étaient en berne. Eric Laugérias, enfant de Cognac qui venait d’obtenir un joli succès en Avignon avec « Reggiani » est partant, comme William Mesguich, Maxime d’Aboville, Aurore et Marion Lépine, Stéphanie Tesson. La salle polyvalente et les jardins de la Quantinerie à Sigogne, l’abbaye de Châtres Saint-Brice et l’auditorium de Jarnac affichent complet. Les Trois coups de Jarnac, montés sans la moindre subvention sont une réussite exemplaire que Dominique Besnehard est venu applaudir. Rendez-vous est pris pour 2021 dans le cadre prestigieux du château de Bouteville réhabilité par Stéphane Bern et de l’abbaye de Bassac, joyau de l’art roman.

© Charente Tourisme

Abbaye de Bassac © Charente Tourisme

 

Le théâtre est pour Pierre Bonnier l’occasion de faire découvrir sa région.

 « J’ai à coeur de promouvoir tous ces endroits trop méconnus de la sublime vallée de Charente » dit-il.

Sans rejeter les riches vignobles de Cognac ou de Pomerol qui l’entourent, il défend avec enthousiasme la bande de sable de son pays Gabay, appelée « Grande gavacherie », entre la Saintonge et l’Angoumois, où les Gascons s’étaient illustrés à la fin de la Guerre de Cent Ans !

Je vous disais que la vie de Pierre Bonnier pourrait être un roman, un jour il écrira peut-être la rencontre de ses parents dans le bus qui mettait six heures pour relier Montguyon à Bordeaux après les bombardements de la guerre qui avaient détruit le pont de Libourne, il parlera de l’entreprise de son pèreartisan plâtrier-marbrier à Valin, il évoquera la lumière de sa Charente qui n’est « jamais agressive et sait capter toutes les nuances de la terre ». Sans oublier ses fameuses sardines marinées, « mes sushis charentais ! » précise-t-il en riant et les mongettes dont son épouse Catherine régale tous leurs amis.

Mais on retient déjà l’essentiel, son énergie d’entreprendre et créer, sa fierté d’avoir une si forte identité néoaquitaine.

(1) Ecole rivale de Berlitz qui propose des cours de formation permanente de langues étrangères

Propos recueillis par Régine Magné

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